Quand on jette un coup d’œil sur l’évolution de la langue tamasheq ne pouvons que faire un constat alarmant de la situation dans laquelle se trouve cette langue sur plusieurs plans, une situation qui en réalité le fruit de plusieurs politiques étatique mais une conséquence de certaines pratiques très néfastes entreprise le peuple touareg lui-même. Alors essayons de mettre la lumière sur ces pratiques et politiques qui entrave l’évolution de cette langue.
L’utilisation aveugle des emprunts arabes
L’utilisation aveugle de certains mots en tamasheq constitue une véritable menace pour l’identité de cette langue berbère, et j’entends par l’identité linguistique tous ce qui distingue cette langue des autres et qui constitue ses propres particularités tel que les aspects grammaticaux, phonétique et phonologique.
En effet il est très fréquent de voir les touaregs entrain d’utiliser certains mots arabes qui existent déjà en tamasheq, et qui sont presque connus de tout le monde, et pour illustrer ce que je suis entrain de dire je pense qu’il faut introduire des exemples concrets, alors voici quelques exemples de ces mots arabes très utilisés par les touaregs, surtout ceux qui vécus en Libye :
- Al-Jeïsh : qui signifie armée en arabe l’équivalant de ce mot en tamasheq, c’est : edjhen
- A-Jundi : qui signifie soldat en arabe l’équivalant de ce mot en tamasheq, c’est : asardas
- Al-shabab : qui signifie jeunes en arabe l’équivalant de ce mot en tamasheq, c’est : imawaden
Et les exemples sont très nombreux, il est difficile de comprendre pourquoi certains kel-tamsheq utilisent ces mots pour désigner des mots qui existent déjà dans la langue tourègue
Une grammaire altérée par les influences étrangères
Il suffit d’entrer en conversation avec un touareg qui a grandi dans une ville comme Bamako ou Niamey pour constater à quel point les générations qui sont grandis dans cet espace loin de l’espace touareg ne respectent pas certains aspects grammaticaux tel que l’accord des adjectifs, les couleurs, les verbes… etc.
Par exemples ils disent :
- ahalǝs mǝllǝt au lieu de ahalǝs mǝllǝ, ce qui est incorrect puis les couleurs s’accordent en tamsheq.
- torǝft ǝhusken au lieu de torǝft tǝhusket, ce qui est aussi inexacte puisque l’adjectif qualificatif s’accord bien en tamasheq
- taɣǝšamt mǝqqorǝn au lieu de taɣǝšamt mǝqqorǝt, ce qui aussi incorrecte grammaticalement en tamasheq pour les mêmes raisons précédentes.
Et malheureusement les gens ne donnent pas beaucoup d’importances à ces erreurs qui ont influences très négative sur l’évolutions de la langue tamasheq. Et l’une de raison pour lesquelles les gens ne prêtent pas attention à ces erreurs ce qu’il s’agit d’une langue qui n’est pas officielle, en plus elle n’est pas enseignée, ce qui rend la transmission de sa version exacte un travail très difficile pour ne pas dire impossible.
Tifinagh un alphabet qui a du mal à se moderniser
Pour quelqu’un comme moi qui est entrain d’écrire la langue tamasheq, ou qui souhaite décrire la langue tamasheq, sans l’alphabet tifinagh n’est pas encore 100% prêt pour remplir cette tâche puisqu’il s’agit d’un alphabet consonantique qui ne représente les voyelles or quand on fait une description grammaticale il faut être précis et claire le plus que possible, et on ne peut être claire dans nos exemples quand l’alphabet ne traduit pas la prononciation exact des gens qui parlent cette langues en l’occurrence les kel-tamasheq.
Il y a certains linguistes qui ont essayé de résoudre ce problème cependant leurs propositions ne sont pas assez mûres pour répondre à ce problématique. Par exemple il l’institut marocain IRCAM (l’Institut Royal de la Culture Amazigh) qui a développé le néo-tifinagh, dans sa nouvelle proposition, cet institut propose une pratique ancienne qui est déjà utilisée par les touaregs pour représenter les voyelles longues, et cette pratique consiste à utiliser ces consones « Y », « W », comme suit :
- Y = ⵉ = ⵉ Pour représenter la voyelle « I »
- U = ⵓ Pour représenter la voyelle « U = OU »
Cependant cette erreur est bien compréhensible puisque cet institut a développé les néo-tifinagh pour qu’ils soient compatibles avec les langues berbères marocaines or le tamasheq ne fait pas partie des langues langue parlée au Maroc sa version marocaine est le Tamazight.
La crise sécuritaire son impact sur l’espace où on parle tamasheq
En plus d’être une ethnie qui n’a pas hérité les clefs d’un état nation comme l’ont fait certaines ethnies en Afrique surtout les ethnies qui ont su collaboré avec les colonisateurs durant la période coloniale, les touaregs aujourd’hui sont menacés dans leur espace géographique par plusieurs facteurs étatiques, régionales et international. Et c’est cette menace sur le peuple touareg qui constitue aussi une menace sur la langue tamasheq, puisqu’aujourd’hui on les trouve dans des pays comme la Mauritanie, où en plus d’être des réfugier leur langue tamasheq n’a aucune chance d’être utilisée dans les médias ou enseignée dans les écoles publiques puisqu’elle n’est même pas une langue nationale. En plus plusieurs politiques néfastes ont été entreprises par certains états qui ont hérité l’espace touareg ce qui a des conséquences sur vivacité et la diffusion de leur langue, on peut citer quelques exemples :
- Algérie : la politique d’arabisation entreprise et soutenue par le gouvernement algérien a des conséquences très négatives sur la langue tamasheq. En plus l’état algérien a falsifié certaines toponymies tamasheqs pour les arabisées comme par exemple « In-Saleh » qui est de venu « Aïn-Saleh » et « In-Amenas » qui est devenu « Aïn-Amenas » comme je l’avais souligné dans un article récent sur mon blog : kel-Tamasheq vous pouvez trouver l’article sur ce lien: La politique linguistique ou bien la linguistique politisée ?
- Mali : Le remplacement démographique volontaire et involontaire entrepris par l’état malien comme nous l’avions vu récemment dans la région de Kidal, lorsque les russes ont installé l’armée malienne dans cette région, nous avons observer que le gouvernement malien favorise l’occupation de cette région par d’autres ethnies non-touareg ce qui va lui faciliter sa gouvernance. Cependant cette politique a une conséquence directe sur la langue tamasheq puisque les ethnies installées par le Mali dans cette région vont continuer à parler leurs langues maternelles qui n’est pas le tamasheq.
- Niger : La problématique au Niger ressemble bien à la problématique de la langue tamasheq au Mali, avec les crises sécuritaires beaucoup de touaregs ont préférés quitter leurs régions pour aller s’installer ailleurs ce qui va les rendre encore de plus en plus minoritaire. Ce qui veut dire en conséquence que leur langue a moins de chances d’être étudiée et enseignée.
- Libye : Bien que beaucoup de touaregs Azawadiens (nord du Mali) et nigériens se sont réfugiés en Libye pour augmenter le pourcentage démographique des touaregs dans ce pays, et pourtant l’arabisation et si forte depuis l’époque du président Kadhafi, ce qui ne facilite pas la vulgarisation et la pratique de la langue tamasheq.
Résumé
En résumé plusieurs facteurs d’ordre linguistique, didactique, sociétale, politique… Et bien d’autres se sont réuni pour rendre la transmission et la vulgarisation de la langue tamasheq une tâche très difficile, cependant nous pouvons toujours compter sur les efforts des jeunes touaregs qui sont très jaloux de leur langue pour faire face à cette situation. Et pour cela les jeunes kel-tamasheq doivent multiplier les efforts pour moderniser et décrire cette langue comme je suis entrain de le faire moi aussi sur ce blog, sans aucun soutien. Alors si vous aussi vous êtes intéressés par la langue tamasheq n’hésite pas de me laisser un commentaire ici. Merci